Résumé : |
Nous avons voyagé au Japon. Nous avons côtoyé des architectures qui relient des mondes urbains parallèles. Nous nous sommes déplacés en utilisant les moyens de transport modernes et efficaces et nous avons observé les conséquences sociales engendrées par la promiscuité et la gestion de l'espace urbain dans les grandes métropoles. Nous nous sommes reflétés dans les vitres des bâtiments modernes d'un pays qui s'est relevé des décombres de l'après-guerre et des ruines provoquées par les séismes, nous nous sommes perdus dans ces nouvelles identités que sont les îles quartiers stéréotypées et artificielles, métastases des immenses mégalopoles. Mais nous nous y sommes surtout égarés en cherchant un chemin entre la réalité et la tradition, qui gouvernent toutes deux la vie des habitants du pays du Soleil levant. Ce qui pour un Japonais est naturel ne l'est pas du tout à nos yeux : ainsi abandonner la contemplation poétique de la floraison des cerisiers pour se plonger dans les tentacules des métropoles semble, pour nous, quelque chose d'insensé. Il est parfois difficile de suivre du regard les geishas, souveraines d'un monde en suspension, de franchir d'un pas rapide des salons de thé accueillants, ou encore l'incessant va-et-vient des jeunes fanatiques du shopping qui s'enferment des journées entières dans des centres commerciaux de plus de dix étages. Il est en revanche plus émouvant d'observer les couples qui cherchent un peu d'intimité dans les love-Motel, en payant avec leurs cartes bancaires à l'effigie de leurs héros préférés. Partout, on peut se consoler avec des distributeurs automatiques qui proposent des boissons, des fleurs, de la nourriture, des livres, des jouets ou des reliques religieuses. Dans le pays de l'esthétique zen et de la démocratie technologique, on est stupéfait en contemplant l'harmonie de l'ikebana ou remarquant les tabous qui perdurent dans les superstitions. Il est très facile de se glisser dans les ruelles et dans les quartiers du commerce de l'eau, dans lesquels le sexe est vécu comme un loisir libéré de tout péché. Il est important de comprendre comment ce pays, qui a fait du sens d'appartenance à la communauté son leitmotiv essentiel, a pu surmonter une grave crise économique par la production de masse, puis connaître une révolution technologique et replonger dans une crise économique d'envergure. Au Japon, chaque geste est soupesé et calibré afin de garantir et préserver l'équilibre fragile entre le public et le privé. Terre de contrastes, ce pays est un lieu où règne la plus grande tolérance religieuse et où il est possible de naître shintoïste, de se marier catholique et de mourir bouddhiste. Il a su renaître des cendres atomiques et dominer l'économie mondiale, mais il doit affronter, aujourd'hui, un problème de taille : il lui faut réinventer le concept de mémoire. |